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Quelle application réelle du DALO ?

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"Source : vie-publique.fr"

Le droit au logement opposable (DALO) a été mis en place en 2007.

Après le plan d’aide au relogement de 2014, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové de 2014 et la loi égalité et citoyenneté de 2017 contiennent des dispositions pour rendre ce droit plus réel.

À l’occasion des 15 ans du vote de la loi DALO du 5 mars 2007, le Haut Comité pour le droit au logement a publié le rapport "15 ans après la loi DALO, un nécessaire rappel à la loi". Le Haut Comité dresse un bilan de la mise en application de cette loi et remet en cause l’effectivité de ce dispositif. "En 2020, 77 684 ménages [prioritaires et urgents] DALO attendent toujours une proposition de logement", déplore l’institution.

Genèse et création du DALO

Proclamé avec la loi Quilliot du 22 juin 1982  qui fait du droit à l’habitat un droit fondamental - et consacré quelques années plus tard par la loi Besson de 1990 

("Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation"), le droit au logement est longtemps resté inappliqué, en l’absence de tout dispositif contraignant.

C’est à la suite de la mobilisation autour des campements de sans-abris, installés sous l’impulsion de l’association "Les enfants de Don Quichotte" dans plusieurs grandes villes de France durant l’hiver 2006, que l’opposabilité du droit au logement a acquis un fondement juridique.

La loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable 

(dite “loi DALO”) reconnaît un droit au logement décent et indépendant aux personnes (résidant en France de façon stable et régulière) qui ne peuvent accéder par leurs propres moyens à un tel logement ou s’y maintenir.

La loi DALO modifie le cadre de mise en œuvre du droit au logement en le faisant passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Elle désigne l’État comme le garant du droit au logement et institue deux voies de recours :

  • le recours amiable s’exerce devant une commission de médiation départementale qui, si elle juge la demande de logement urgente et prioritaire, demande au préfet de procurer un logement sur le contingent préfectoral ;

le  recours contentieux 

  • peut être engagé devant le juge administratif pour contester une décision défavorable de la commission de médiation ou pour défaut d’application d’une décision favorable.

La loi définit des catégories de personnes susceptibles d’engager ces voies de recours, "les personnes défavorisées prioritaires dans l’attribution d’un logement ou l’accueil dans une structure adaptée", c’est-à-dire :

  • les demandeurs d'un logement social depuis un délai anormalement long qui n'ont pas reçu de proposition adaptée à leurs besoins. Ce délai est fixé par le préfet en fonction des circonstances locales ;
  • les personnes non logées ou mal logées (personnes dépourvues de logement, menacées d’expulsion sans relogement, hébergées ou logées temporairement, logées dans des locaux insalubres ou dangereux, logées avec un enfant mineur ou une personne handicapée dans des locaux sur-occupés) ;
  • les demandeurs d’hébergement (hébergement, établissement ou logement de transition, logement-foyer ou résidence hôtelière à vocation sociale).

Une fois le droit au logement reconnu, le préfet doit proposer un logement dans un délai de trois à six mois selon les départements (recours DALO) ou un hébergement dans les six semaines (recours DAHO). Dans le cas contraire, le requérant a la possibilité de faire condamner l’État à des astreintes et des dommages et intérêts. Selon un rapport de la Cour des Comptes de janvier 2022, "le coût significatif de ce contentieux, qui s’élève à 130 millions d'euros entre 2015 et 2020 pour les seules astreintes, pourrait croître davantage au vu de l'augmentation du nombre de ménages attributaires en attente d'une offre adaptée".

Quel bilan pour la loi DALO ?

Les chiffres du DALO

Dans son rapport  "15 ans après la loi DALO, un nécessaire rappel à la loi"

publié en mai 2022, le Haut comité pour le droit au logement (HCDL) dresse un bilan de la mise en œuvre de la loi DALO depuis 2007. Entre 2008 et 2020, 333 848 ménages ont été reconnus au titre du DALO. 207 399 d’entre eux ont accédé à un logement, soit 62% de l’ensemble des ménages. 77 684 ménages attendent toujours un logement, et cela depuis 1 à 13 ans.

Depuis 2008, 1 029 958 recours DALO logement ont été déposés. Les demandes augmentent chaque année depuis 2016, à l'exception de l'année 2020, marquée par la crise du Covid-19. Inégalement répartis sur le territoire national, ces recours se concentrent dans les 18 départements connaissant une tension croissante sur le marché du logement. 58% des recours en 2020 sont déposés dans les huit départements d'Île-de-France. Puis viennent les Bouches-du-Rhône, le Rhône, les Alpes-Maritimes, le Var, la Haute-Savoie, la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique, la Gironde, l’Hérault et la Réunion. 

En 2020, en Île-de-France, 64 994 ménages attendent toujours d’accéder à un logement suite à leur reconnaissance au titre du DALO, soit 83,7% de l’ensemble des ménages devant être logés à l’échelle nationale.

Un droit peu effectif

Dès 2008, la Mission interministérielle d’inspection du logement social (Miilos), puis le Conseil d’État en 2009 et le Sénat en 2012 ont livré des diagnostics sur les freins et dysfonctionnements qui entravent la mise en œuvre du DALO. En 2012, le Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable sollicite, dans son 6e rapport, un "rappel à la loi" du chef de l’État, car le DALO est "très inégalement appliqué".

Dans son  rapport de janvier 2022

la Cour des comptes appelle à réformer le droit au logement opposable, car "pour de trop nombreux ménages, le DALO n’est pas encore un droit effectif, et le risque qu’il devienne un droit source de désillusions augmente".

Depuis l'instauration du DALO, Paris et l'Île-de-France concentrent les difficultés. Des maires de la banlieue parisienne se sont inquiétés des possibles effets pervers du DALO sur la mixité sociale de leurs communes. En effet, les communes qui ne respectent pas leurs obligations de construction de logements sociaux fixées par la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) échappent à la pression du préfet pour accueillir des bénéficiaires du DALO, alors que les communes qui respectent la loi sont contraintes par l’État d’accueillir des familles parmi les plus pauvres.

L'insuffisance de l'offre de logements sociaux ne constitue pas le seul frein à la mise en œuvre de ce droit. En dehors des ménages éligibles au DALO, d’autres publics fragiles sont également désignés prioritaires pour l’accès au logement social (femmes victimes de violences, victimes de viol ou d’agression sexuelle à leur domicile par exemple), ce qui a pour conséquence "de faire perdre au dispositif son caractère de priorité supérieure", selon la Cour des comptes. 

L’efficacité du DALO dépend également de la maîtrise de l’État sur son contingent de logements. Le préfet dispose d'un droit de réservation de 30% du total des logements de chaque programme HLM (dont 5% au profit de ses agents civils et militaires). Si en Île-de-France, 68,3% des attributions au titre du contingent préfectoral ont bénéficié aux ménages DALO en 2019, dans les autres régions, moins de 11% du contingent était mobilisé au profit de ces ménages. 

Dans un  rapport de 2009

le Conseil d’État révèle que la gestion du contingent préfectoral est imparfaite car "beaucoup de préfectures ne connaissent pas ou plus très exactement l’historique et le volume de logements sur lequel peut s’exercer leur droit de réservation et de présentation". 

Le décret n°2011-176 du 15 février 2011 

a introduit l’obligation de signature de conventions de réservation entre préfets et bailleurs sociaux pour permettre l’identification et la mobilisation des logements du contingent préfectoral. Le dernier bilan DALO de 2018 souligne que les droits de réservation de l’État ne sont pas identifiés et mobilisés totalement sur l’ensemble des départements.

La  loi Molle de 2009 impose, par ailleurs, que 25% des logements réservés par Action Logement bénéficient aux ménages reconnus au titre du DALO. Mais les conventions entre l’État et Action Logement censées permettre un meilleur pilotage de leur contingent ne couvrent pas tout le territoire et restent limitées à l'Île-de-France en dépit du rôle de  l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols).

Vers une meilleure application du DALO ?

Une mission d'évaluation s'est rendue dans 14 départements les plus concernés par des difficultés de relogement des ménages prioritaires et urgents afin d'établir les moyens de renforcer l'effectivité du droit au logement opposable. Son rapport a été rendu public en décembre 2016.

Au travers de la législation récente du droit au logement opposable, des mesures ont été prises pour améliorer le statut des bénéficiaires du DALO et pour améliorer les conditions d'attribution de logements sociaux, mais elles ne permettent pas de reloger les ménages reconnus prioritaires de l'année en cours.

La  loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) 

comporte des mesures destinées à améliorer les dispositifs relatifs au DALO. La loi encadre la possibilité de proposer des logements sociaux en "bail glissant" à des ménages bénéficiant du DALO, c’est-à-dire leur faciliter l’accès au statut de sous-locataire puis de locataire, en cas d’incapacité à assumer les obligations résultant d’un bail à leur nom.

Afin de faciliter les parcours de l’hébergement au logement, la loi autorise les commissions de médiation à requalifier un recours destiné à obtenir un hébergement en un recours pour l’attribution d’un logement en urgence, moyennant le respect d’un certain nombre de conditions.

Pour améliorer la prévention des expulsions locatives, la loi modifie certaines dispositions du code des procédures civiles d’exécution, du code pénal, du code de la sécurité sociale ainsi que de la loi du 6 juillet 1989 de sorte de traiter les impayés le plus en amont possible. Lorsqu’une personne est menacée d’expulsion locative, le président de la commission de médiation a la possibilité de saisir le juge pour qu’il suspende l’expulsion et accorde des délais. Par ailleurs, la trêve hivernale des expulsions locatives est prolongée de 15 jours.

Dans un référé de mars 2017

la Cour des comptes souligne que les commissions de médiation départementales (Comed), chargées d’examiner les dossiers des demandeurs DALO, sont fortement sollicitées sans avoir les moyens de faire correctement leur travail. 

Devant l’hétérogénéité des décisions rendues par les commissions de médiation et des taux de décision selon les territoires, un guide des commissions de médiation DALO 

est paru en décembre 2017, avec l’objectif d’apporter une aide juridique aux membres des Comed et d’harmoniser les pratiques.

La  loi égalité et citoyenneté de 2017 

a élargi aux collectivités territoriales et aux bailleurs sociaux les obligations d'attribution de logements aux ménages DALO (25% du contingent des collectivités et du parc non-réservé des bailleurs). Désormais, tous les réservataires du parc social, et pas seulement l’État, doivent contribuer au logement des ménages prioritaires. La loi prévoit que, lors de l’attribution de logements sociaux, les critères de priorité de droit commun ne s’appliquent qu’après la mise en œuvre d’une attribution à un ménage DALO.

Dans de nombreuses communes, les 25% sont rarement atteints. Des bailleurs sociaux, soumis à des exigences de gestion, veulent limiter le risque de loyers impayés, alors qu’aucune statistique ne met en évidence que les bénéficiaires du DALO seraient moins bons payeurs que les autres locataires. 

Dans son rapport de janvier 2022

la Cour des comptes pointe "l'effort toujours insuffisant des collectivités territoriales et des bailleurs pour participer à l'effort de relogement aux côtés de l’État” et formule plusieurs recommandations pour garantir l'effectivité du DALO. Elle propose notamment de :

  • confier au préfet la possibilité de sanctionner financièrement les bailleurs refusant d’attribuer un logement aux ménages DALO sans motif valable ;
  • d'adapter les systèmes d'information pour mesurer plus précisément le respect par les collectivités territoriales, Action Logement et les bailleurs de leurs obligations en matière de relogement des ménages prioritaires ;
  • accompagner davantage les demandeurs et bénéficiaires DALO tout au long de leurs démarches.

 

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